Article « La pratique excessive des jeux vidéo, un mode d’expression pour l’adolescent » (Revue « Cahiers de la puéricultrice », mai 2017)
Résumé
Employer le terme de pratique excessive plutôt que celui d’addiction est plus approprié pour parler d’un adolescent qui passe trop de temps devant son écran, sur des jeux en ligne.
Jouer est un moyen de s’exprimer que peut trouver le jeune durant cette période de bouleversements qu’il traverse.
Des conseils existent pour que l’adolescent et sa famille puissent se comprendre, éviter les conflits sur ce sujet, et permettre d’identifier d’éventuelles autres problématiques.
Article publié dans la Revue « Cahiers de la puéricultrice » (Elsevier Masson, n°307, vol. 54, p. 26-27 – mai 2017).
La pratique excessive des jeux vidéo, un mode d’expression pour l’adolescent
Quelques chiffres
En 2013, 7 Français sur 10, âgés de 6 à 65 ans, déclaraient avoir joué à des jeux vidéo dans les six derniers mois [1]. L’ordinateur est le support le plus souvent utilisé, notamment pour jouer en ligne : la pratique en réseau concerne en effet 10 % de la population âgée de 15 ans ou plus [2].
Un enfant qui joue trop aux jeux vidéo souffre-t-il d’addiction ?
Plutôt que de parler d’addiction, correspondant à un diagnostic médical précis, l’expression “pratique excessive” est plus appropriée, selon l’Académie de Médecine, pour expliquer ce comportement [3]. L’addiction étant un syndrome très particulier, un comportement excessif ne peut constituer qu’un symptôme parmi d’autres, venant révéler des questionnements singuliers et propres à chaque personne, des angoisses et frustrations, ou des souffrances sous-jacentes.
Le syndrome de dépendance selon la Classification internationale des maladies (CIM-10) est décrit comme tel : « désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance psychoactive avec difficultés à
contrôler l’utilisation de la substance ; existence d’un syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête la consommation d’une substance psychoactive ; mise en évidence d’une tolérance aux effets de la substance psychoactive, le sujet ayant besoin d’une quantité plus importante de la substance pour obtenir l’effet désiré. À noter aussi l’abandon progressif d’autres sources de plaisir et d’intérêts au profit de l’utilisation de la substance psychoactive, et de l’augmentation du temps passé à se procurer la substance, la consommer ou récupérer de ses effets, avec la poursuite de la consommation de la substance malgré la survenue de conséquences manifestement nocives » [4].
Les jeux vidéo : refuge et moyen d’expression
L’adolescence est une période de bouleversements, durant laquelle de nombreuses perturbations relationnelles, physiques, psychologiques ont lieu.
L’écran permet aux adolescents de se protéger, de se suspendre dans le temps, de se défouler et de maintenir le lien entre copains. Les jeux apportent donc une continuité et une réponse à des questions complexes à aborder. Les jeunes d’aujourd’hui passent, en effet, de plus en plus de temps sur leurs écrans. Mais qu’y font-ils ? Si la pratique excessive des jeux vidéo n’est pas à considérer comme une maladie, il s’agit d’un moyen pour eux d’exprimer des malaises cherchant à être identifiés et entendus.
L’excès est le propre de l’adolescence. Il est donc normal qu’un jeune dépasse les limites, qu’il s’agisse de ses copains, de l’école, des jeux vidéo ou de toute autre activité investie comme
importante à un moment donné. L’essentiel est surtout de comprendre ce qui se cache derrière ce comportement excessif.
Quelle réponse n’arrive pas à se formuler ? Quel(s) souci(s) le jeune rencontre-t-il ? Dans quel(s) domaine(s) ? Quel(s) message(s) fait-il passer ? Quel mal-être exprime-t-il ? Quelle(s) joie(s) partage-t-il avec ses copains en ligne ? Comprendre ses amis virtuels, son pseudo, son avatar, ses jeux, ses attentes, ses angoisses, sont autant de possibilités d’entrer en discussion, de mieux appréhender son univers et d’ouvrir l’adolescent sur ce qui le préoccupe. Il sera ravi d’ expliquer les termes et usages qui peuvent échapper encore aux parents et autres adultes.
Conseils pratiques pour les parents
Poser des limites est rassurant et nécessaire pour un jeune. Cela passe par le dialogue, pour que chacun comprenne les différents points à interroger, les durées des parties, les contenus à éviter ou à privilégier, les moments où interrompre le jeu (points de sauvegarde, fi ns de niveaux).
Plutôt que de s’affronter, il est autrement plus simple de fixer un cadre dans un climat de confiance mutuelle.
Quelques conseils :
- Questionner l’enfant sur un de ses loisirs préférés : c’est une des premières clefs pour gagner en sérénité. Mieux comprendre son univers numérique
est rassurant et aide à se positionner face à « l’outil jeu vidéo », - Établir des règles de communication : dès lors que l’échange autour du jeu se fait paisiblement, le dialogue est exempt de tout conflit et certains excès, liés à cette pratique, s’estompent par la même occasion,
- Réguler les périodes de jeu : élaborer un contrat de confiance, définissant les modalités de jeu (plages autorisées, conditions, exception),
- Utiliser un minuteur ou autre objet temporel : en cas de difficulté à arrêter les sessions de jeu, utiliser un tiers peut s’avérer utile. L’objet étant extérieur, il permet de signifier le temps passé, de façon neutre et d’accompagner en douceur l’arrêt de la partie,
- Intégrer le jeu aux autres apprentissages : l’idée est de décrypter les mécaniques et contenus, d’ accompagner l’utilisation des écrans, d’aiguiser le sens critique, de développer les connaissances et compétences et de poursuivre les apprentissages,
- Utiliser le jeu comme médiateur, pour échanger en souriant et nouer de nouvelles complicités.
Conclusion
L’important est de souligner que chaque situation est différente.
Le dialogue sera toujours la meilleure réponse pour fixer les cadres les plus adaptés à l’adolescent et sa famille.
En cas de malaise explicite, il sera nécessaire de les orienter vers des professionnels compétents.
En effet, la pratique excessive de jeux vidéo peut masquer d’autres problématiques, comme une dépression, un deuil, un échec scolaire, une phobie sociale ou encore une douance intellectuelle non diagnostiquée. Il est donc essentiel de chercher à identifier précisément ce qui affecte l’adolescent.
Références
[1] CNC et TNS SOFRES. Les pratiques de consommation de jeux vidéo des Français. Paris: Centre national du cinéma et de l’image animée; 2014.
[2] Gombault V. L’Internet de plus en plus prisé, l’internaute de plus en plus mobile. Insee Première, n° 1452, 2013.
[3] Académie nationale de Médecine.
[4] Haute Autorité de Santé.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.